DE LA DEMOCRATIE EN PANDEMIE

Barabara STIEGLER

Tracts Gallimard, n°23

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« Covid 19 n’est pas une pandémie mais

une « SYNDEMIE »,

une maladie causée par les inégalités sociales et par la crise écologique étendue, au sens large. (Richard HORTON, rédacteur en chef d’une des plus prestigieuses revues internationale de médecine, « The LANCET ».)

La SYNDEMIE : caractérise un entrelacement de maladies, de facteurs biologiques et environnementaux qui, par leur synergie, aggravent les conséquences de ces maladies sur une population.

https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/06/20/richard-horton-le-covid-19-montre-une-faillite-catastrophique-des-gouvernements-occidentaux_6043590_1650684.html

Les gouvernements ont fait le choix de la répression des citoyens, plutôt que celui de l’éducation et de la prévention. Au lieu de favoriser la libre circulation du savoir, ils ont contribué à l’édification d’un monde binaire, opposant les « populistes », accusés de nier le virus, et les « progressistes » soucieux, quoi qu’il en coûte de la vie, de la santé.

Bien sûre le Covid 19 n’est pas une grippe, mais, pas la peste non plus. Or, le modèle qui a servi de cadre mental aux scientifiques (confinement) pour contrôler la propagation de l’agent pathogène, est claqué sur le modèle de la peste.

Seule issue : investir dans la recherche et dans un système sanitaire et social qui puisse véritablement prendre en charge les patients tout en développant un plan ambitieux pour une approche environnementale des questions de santé.

Nous ne vivons pas une pandémie, nous vivons en Pandémie, un nouveau continent mental, qui risque de durer…

Ce nouveau continent où la démocratie est devenue un sujet de discussion. En Pandémie, c’est la Chine qui domine, économiquement, moralement, culturellement et politiquement.

Dans ce monde de Pandémie, où le pouvoir élimine la démocratie, la disqualifie, il n’y a plus de temps pour débattre ni pour délibérer. Les droits imprescriptibles (contester, s’interroger, aller et venir, manifester..) sont devenus des « inconvénients », à la limite de la légalité, progressivement suspendus.

Reprenons le fil de notre histoire, en trois étapes :

  • Le confinement : 17 mars/10 mai
  • Le déconfinement : 11 mai 31 août
  • Le reconfinement 1er septembre 28 novembre.
  • Le confinement: ni stratégie, ni complot, mais panique et entêtement.

Les décisions sont gouvernées par la peur : celle du virus et celle de la révolte sociale.

Au nom de la bienfaisance et de la bienveillance, le président pouvait s’ériger en « tuteur » de toute la population, en dehors de tout contrôle démocratique. Il trie entre les bonnes activités (aller travailler, prendre les transports en commun, faire ses achats, voter..) et les mauvaises, suspectes de contamination (aller à  l’université, manifester dans les rues, se rassembler entre amis ou en famille, se marier, enterrer ses morts…)

La conception néolibérale de l’éducation, vidée de tout contenu collectif, pour être réduite à une consommation de ses contenus, et une capitalisation par les individus et leurs familles d’un « portefeuille de compétences » ou d’un « capital formation », permettra à chacun de s’adapter à un environnement compétitif et incertain.

Sous les habits du « civisme » les foyers confinés étaient encouragés à rester chez eux, se replier sur eux-mêmes pour se protéger.

 

Le rêve ultime des néolibéraux : chacun confiné chez soi, devant son écran, participant à la numérisation intégrale de la santé et de l’éducation, tandis que toute forme de vie sociale et d’agora démocratique était décrétée vecteur de contamination.

Prise de conscience, à la fin du confinement, de la nécessité vitale des institutions sociales, par lesquelles une société se soigne, s’éduque, se cultive, et participe collectivement au savoir, désactivant l’alliance morbide entre la compétition interindividuelle et son envers, les pulsions suicidaires de ceux qui échouent

 

  • Le déconfinement : l’immense déception d’une société déconfite

Enfermés dans une opposition simpliste entre la « santé » et « l’économie », les partis politiques en prônant le confinement volontaire à durée indéterminée, présentèrent la peur du virus « pour soi-même et pour les autres » comme un nouveau civisme, celui d’une société où primerait le collectif.

La protection des personnes à risque était une priorité.

Mais pour être efficace, elle aurait dû justement ne pas tomber dans l’imaginaire fallacieux de la Pandémie : celui d’un monde où chacun était, à égalité, menacé de mort en quittant son foyer.

Tous les partis politiques d’opposition renoncèrent à discuter, dans les grands médias, les décisions sanitaires du gouvernement

En Pandémie, la « santé » n’était plus objet de discussion rationnelle soumis aux arbitrages de la démocratie Elle s’imposait comme un nouveau pouvoir transcendant et sacré, interdisant toute profanation par une discussion éclairée, qu’elle soit politique ou scientifique

L’affaire des masques : le gouvernement préféra laisser courir les contaminations plutôt que de reconnaître les erreurs du passé.

L’héroïsation des soignants avait bien fonctionné, justement pour désamorcer toute sorte de conflit social, et convertir magiquement le négatif de la colère en l’honneur du dévouement.

 

  • Le reconfinement: le basculement dans une longue nuit sans Noël (1er septembre 28 novembre).

A l’université, le ministère avait déjà préconçu le format des cours, il ne fut pas jugé utile de consulter l’intelligence collective des collègues et de leurs étudiants.

L’Université vivait aussi en Pandémie, monde où l’on n’avait plus le temps de s’embarrasser avec la démocratie.

Faire de la crise une aubaine, demander au monde de la recherche, non pas de lutter contre les causes qui avaient produit les crises, mais de s’y adapter, ce faisant, en les reconduisant, inchangées.

Nous sommes convaincus que le savoir ne se capitalise pas, mais qu’il s’élabore ensemble et dans la confrontation conflictuelle des points de vue..

Un appel de cette pandémie à la Démocratie ?!

 

Tracts, Gallimard : notre liberté de penser, ne peut s’exercer en dehors de notre volonté de comprendre. « Nous vivons les mots quand ils sont justes » (Jean Gionno)

Janvier 2021

 

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