TOUT EST NOCES

Marie Madeleine DAVY, Albin Michel , 1993

Loading

 

L’homme, orienté vers les valeurs spirituelles découvre la DUALITE.

Tout chercheur est condamné à l’errance tant qu’il n’a pas compris qu’il n’y a aucune voie en-dehors de celle du RENONCEMENT.

 

Si son cheminement pouvait porter un nom, il s’appellerait DEPASSEMENT.

Il va devenir un voyageur dépourvu du moindre bagage susceptible de ralentir sa démarche et la rendre chancelante.

 

Sa pauvreté se transforme en richesse,

son dénuement en plénitude.

En se libérant des formes qui le tenaient prisonnier, il découvre son fond.

 

La vocation s’inscrit au sein d’une partie mélodique qui permet de dépasser, de la foie à la certitude, de l’isolement à la solitude pleine de tendresse pour l’univers. Et après de nombreux obstacles, des torrents à traverser, des montagnes à escalader…l’agitation s’éclipse, un repos festif s’installe, le secret des secrets se dévoile :

il n’y a pas de DUALITE….TOUT EST NOCES.

L’humanité : dimension cosmique.

 

Hildegarde Von Bingen, (morte en 1179) abbesse bénédictine, fait correspondre la magnifique beauté de l’univers, avec la beauté intérieure.

La création de l’homme s’est produite à l’imitation de celle du monde : la chair humaine évoque la terre, les os privés de moelle : les pierres, ceux qui en contiennent, se rapportent aux arbres.

Elle élabore la profonde parenté entre le macrocosme et le microcosme. Dans l’homme « vêtement de la Sagesse divine », l’humour et le divin se retrouvent. La lumière de la nature conduit à la lumière divine.

Les couleurs de la nature éclairée se retrouvent dans les miniatures et les vitraux des rosaces. L’homme est comparable aux vitraux. Quand la lumière nous traverse, elle se colore suivant notre singularité. L’homme profond est semblable à une rosace, un vitrail.

Ami de la nature, l’homme perçoit des mélodies secrètes.

Rainer Maria Rilke dira : « tout résonne. »

Espace intérieur :

« L'espace lui-même est en toi. 

Ce n’est pas toi qui es dans l’espace

C’est l’espace qui est en toi

Rejette-le, voici déjà l’éternité. »

(Angelus Silesius)

 

L’espace extérieur EST.

L’espace intérieur se découvre, exige la solitude. Le parcours est éprouvant, douloureux. Il serait vain de chercher un secours au-dehors, d’envoyer un SOS. C’est au-dedans qu’il importe de trouver une aide efficace. Nécessité d’un lâcher prise, d’un abandon total, ne rien attendre, aucune comparaison, accepter ce qui vient, même l’inconfort intérieur.

L’espace intérieur signifie un dépassement de tout ce qui est limité : au-dessus de la terre et du ciel.

Le véritable Temple c’est l’homme.

Dans l’espace intérieur, l’homme va découvrir son fond, qui est abyssale et échappe au langage. Il convient nécessairement d’avoir recours à des images, des symboles.

L’homme parvenu à son fond, découvre et voit avec l’ouïe et la vue de son cœur, c’est la lecture du cœur, c'est-à-dire, absence de tout jugement de valeur concernant autrui.

Ce fond de dieu est le fond de l’homme, sont obscures, ténèbres par excès de lumière.

 

Différences et oppositions :

Le petit nombre et le grand nombre : L’échelle des classes sociales, les différences de fortune, la culture elle-même n’engendre aucune approche à l’égard du petit nombre et de sa séparation avec le « grand nombre ». Ces deux sujets relèvent d’un espace privé de tout contact.

Ceux qui vivent le grand nombre, au sein de difficultés économiques, dans la précarité du quotidien difficile, ne jouissent pas de la liberté nécessaire pour d’adonner aux questionnements élémentaires, au creusement qui lui succède. Il leur faut tout d’abord vivre, éviter de trépasser.

Ils ne disposent pas de cette liberté d’esprit ni d’aucun attrait pour les problèmes essentiels.

LES OBSTACLES:

L’arrogance : l’obstacle fondamental consiste dans le cœur altier, enflé par l’orgueil et la vacuité.

« Le cœur de chacun est un abîme » (Psalmiste 64.7)

Ce cœur altier se tient fermé au monde invisible. Envahi par son propriétaire, tout est occupé, plus de place, aucun lieu disponible : l’auberge se trouve pleine.

L’enracinement dans le temps et l’histoire : cet homme se trouve incapable de penser par lui-même. Il engendre l’ennui, une lassitude incoercible, sclérosante, source de fatigue et même d’épuisement.

Le doute : nul élément constructif n’est retenu. Celui qui doute se trouve acculé contre l’abîme d’une absence. Néantisation. Incinération d’un passé dont aucun vase ne contient les cendres.

Le doute peut se maîtriser et  réparateur, en opérant un dégagement des pseudo-croyances qui accompagnaient une conscience encombrée.

Le « pour rien » : conduit, comme le doute, à la néantisation, enlève à la vie son sens, l’annule.

La négation : nécessité de nier ce qu’on ignore,

ce qui n’a pas été pour soi un sujet d’expérience ne saurait exister pour le médiocre.

La nouveauté angoisse. Le choix de nier ce qui ne s’inscrit pas dans son champ d’investigation est un mal incontestable. L’intolérance appartient à l’homme médiocre, dont les méfaits, parfois accompagnés de violence, sévissent dans l’ordre politique et social, à l’égard des différences ethnies. Laisser à autrui le droit de modifier ses opinions et d’abandonner un état préalablement choisi, est une preuve d’intelligence.

La conscience aliénée : le conformisme étroit joint à un dogmatisme outrancier ne sont plus de mise aujourd’hui. Dégagement de l’ego, des habitudes rassurantes..

 

FIANCAILLES :

Dogmatisme et approche des mystères : Franchir l’enceinte du dogmatisme doit répondre à une obligation de la conscience. Que les églises maintiennent les dogmes, tout en les assouplissant, provient moins d’un conservatisme que d’une adaptation lente et constante aux besoins des individus.

L’aventure intérieure serait le dépassement des frontières de la condition humaine. L’approche des mystères est semblable à un feu : les tendances dogmatiques s’estompent. Accepter, pour soi-même, le retrait de toute résonnance dogmatique peut survenir lors d’un murissement. Pour les uns, c’est un recul, pour les autres, c’est une ascension.

 

Dans le secret de ce déplacement, dans cette obscurité par excès de clarté, s’opèrent les Noces.

Dans le langage utilisé par les mystiques, seul le silence apparait expressif.

 

 

 

En s’unissant à l’Amour, l’Ame « aime d’aimer », elle n’aspire à aucune récompense extérieure à l’Amour. Un tel Amour n’est jamais mercenaire, l’amour pur ne demande rien d’autre que d’aimer.

 

L’unité et la dualité :

L’UN est l’apanage de la Déité.

Toute créature appartient à la dualité.

Cependant par son origine, elle relève de l’Un.

Le but de l’existence est de retrouver cette unité perdue.

A travers l’Un et la dualité, seront présenté l’éternité et le temps, le repos et le mouvement.

Le repos fruitif est une suspension momentanée du mouvement. Lorsque le repos se diffuse en mouvement, il est unis au par avant à lui, il l’a épousé. Le mouvement jaillit alors du repos, le repos s’écoule en mouvement.

« Le Soi est pure lumière, pure connaissance, dépourvu de toute dualité » (Ramana MAHARSHI)

« L’immobilité se disperse, et le mouvant demeure » hymne Shivaïque, Vème siècle.

 

La voie du détachement :

Une seule voie pour arriver aux Noces : celle du détachement du temps et de l’histoire, détachement du « moi ».

Le détachement, c‘est renoncer à vouloir que le monde soit Un et identique pour tous.

Le repos spirituel suspend le faire et minimise l’action.

Noces :

L’image de la chambre nuptiale symbolise la lumière qui brille la nuit. La nuit correspond à une lumière cachée, révélée aux seuls initiés. Cette lumière ne brille que pour ceux arrivés aux mystérieuses Noces : aux Noces de l’Unité.

Problèmes concernant les rencontres des opposés :

 

Les forces opposées s’affrontent, tout d’abord.

Puis, à la suite d’un long processus, les antagonistes sont ramenés à l’unité.

Ces « couples d’opposée « transcendent la conscience. L’unification des opposées met un terme à toute captivité de l’un des éléments considéré comme inférieur.

L’homme projette sa féminité, c’est à dire son « anima », et la femme son élément masculin, son « animus ». Le thème de l’individuation présente son intérêt pour la conquête de l’autonomie dans l’approche de l’unité.

Thèmes :

 

La récompense est pour celui qui sait

« dompter le temps » : chevaucher la dualité, la juguler, la réduire, la néantiser. C’est à l’intérieur que l’action se passe.

Les Noces entre les contraires sont appelées à se célébrer au-delà de la dimension de profondeur, dans le secret, le silence.

 

Selon Origène

(né aux environ de 185 dans une famille chrétienne d'Alexandrie, La plus grande partie de l'activité d'Origène a été consacrée à l'exégèse de la Bible.),

toute créature humaine est féminine au départ. Le stade féminin affirmant le sensible est donc le point de départ qui perdure jusqu’à l’accès à une étape nouvelle.

Tout être humain né « fils de la femme », il est invité à devenir « fils de l’homme. »

Le passage de la femelle au mâle symbolise l’accès de l’âme à l’esprit (pneuma). L’erreur serait de croire que le féminin correspond à la femme, tandis qu’il concerne la créature enracinée dans la manifestation.

L’union de l’oreille (féminin) et de l’œil (masculin) offre un merveilleux exemple de noces.

 

 

 

L’ouïe précède la vue.

Parmi les cinq sens, l’oreille et l’œil remplissent un rôle essentiel. La surdité menaçant l’entendement, et la cécité, la vue, mais l’endormissement équivaut à une fermeture à l’égard du dedans.

L’ouïe précède la vision, à condition de savoir entendre.

 

L’ouïe appartient au temps et la vue relève de l’éternité.

 

 

Dépourvue de jugement de valeur, un sujet peut recevoir le don de la « vision du cœur », c'est-à-dire, comprendre et aimer l’autre tel qu’il est.

Les amis du mystère nous apprennent la bienveillance de l’homme intériorisé. Son ouïe, sa vue n’ont pas pour effet de disséquer, mais de rassembler ce qui apparaît divisé. Lorsque la rencontre entre l’oreille intérieure et l’œil intérieur s’est réalisé, l’ouïe et la vision parviennent à une nouvelle acuité.

L’oreille participe à la vision et la vue entend.

 

Paradis et Enfer :

Paradis et Enfer ne correspondent pas à des lieux, ils désignent des états, qui se situent ante mortem et non post mortem.

La vie ne s’oppose pas à la mort. C’est la naissance qui est le contraire de la mort.

 

 

Ce n’est pas dans la bible qu’il convient de chercher le sens donné au Paradis ou à l’Enfer. Il n’y a pas de justice dans ce monde, d’où la nécessité pour l’homme de la situer après la mort : récompense des bons, punition des méchants.

L’Enfer éprouvé durant l’existence, désigne un état enraciné dans le temps et l’histoire. Une non-ouverture sur l’éternité. La désespérance conduit à l’enfer. Elle émane de l’ego et provient d’un gonflement intempestif de celui-ci.

Il est probablement impossible d’évoquer l’état paradisiaque sans évoquer une préalable descente aux enfers. Chacun traverse « son » enfer, avant d’entrer dans « son » paradis. Le nombre d’Enfers et de Paradis, correspond à la multiplicité des hommes, à leurs épreuves et à leurs expériences.

Le Ciel représente le principe actif masculin, s’oppose à la Terre, principe passif et féminin.

La Terre au féminin, devient mère : c’est le mariage entre le Ciel et la Terre.

 

Dépassement et secrets des Noces :

Dépasser ne signifie pas répéter mais inclure. Un adulte porte en lui son enfance et sa jeunesse. Accepter d’avancer dans le temps, exige de ne pas s’enraciner dans un passé révolu. La véritable mort se tient derrière soi. Surmonter le temps et l’histoire introduit dans l’Eternité.

Toute transformation exige d’abord un décès (chenille/papillon).

Les Noces se célèbrent dans un maintenant : ni passé, ni futur.

Tout devient « Noces » pour qui renonce aux opposés, aux diverses antinomies. En se détachant du haut et du bas, de la Terre et du Ciel, de l’ombre et de la lumière, du sensible et de l’intelligible, le contenu secret des Noces se révèle, dans la profondeur de l’intériorité.

L’orientation de l’existence consiste à se dégager perpétuellement de toute dualité.

Les contraires apprennent à s’aimer, à conjuguer leu différence.

Les conflits disparaissent : une énorme paix absorbe les anciennes antinomies et les efface.

Le « disant » jaillit du « non dit ». Tout est centré sur l’audition interne, qui échappe à l’ouïe ordinaire. Rien n’est vu.

Conclusions :

Dans le mystère des Noces, les transfigurations se succèdent et les formes s’effacent.

Les mondes visibles et invisibles ne se distinguent plus.

Ressuscité avant de mourir, l’homme est devenu lumière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vous aimerez aussi...

Aller au contenu principal